Le meilleur moment pour lancer un label : maintenant !

Cet article est initialement paru en Anglais en tant que billet invité sur le blog du Midem. Sa traduction française (ci-dessous) est de Marie Menini que je remercie au passage.

Oui, je sais, l’industrie de la musique a pris un sacré coup ces 17 dernières années. Les musiciens et les artistes doivent se battre pour s’en sortir financièrement (quand ils ne lancent pas un crowdfunding pour payer leurs frais de santé) et ils sont nombreux à en avoir assez de passer plus de temps à faire leur promotion qu’à écrire des chansons ou faire des concerts. La situation devient à la fois de plus en plus complexe et de moins en moins fluide : les plateformes de streaming grossissent et se livrent une rude concurrence diversifient leur offre un peu plus chaque jour, tandis que les taux de rémunération du streaming sont négligeables et les revenus des diffusions en radio et des enregistrements sont de plus en plus concentrés entre les mains des 3 majors. Sans parler des querelles incessantes entre les ayant droits/auteurs et les chaines de diffusion (anciennes et nouvelles), de la question de la valeur de la musique dans nos vies, comme de la rémunération des artistes, auteurs et compositeurs.

J’avais remarqué.

Mais, je le répète : il n’y a pas de meilleur moment qu’aujourd’hui pour monter un label, car nous vivons une période qui regorge d’opportunités. Toujours pas convaincus ? Regardons ensemble les raisons…

Revenir aux sources mêmes de la vocation d’un label

On sous-estime souvent le poids du principe selon lequel la musique doit être enregistrée. En effet, avec des campagnes media grand public, notamment en radio et en télé, pour booster les ventes d’album (devenant alors le seul indicateur permettant de dire si oui ou non un artiste, son projet et son image marchent), la musique enregistrée a rapidement dominé le secteur et toutes ses autres branches.

Avec l’oraison funèbre des “labels à l’agonie” et l’idée reçue que la musique enregistrée résume à elle seule toute l’industrie de la musique, nous en avons négligé un fait très simple (irréductible) : malgré le fait que tant de labels se battent, le désir de réaliser des enregistrements et de les partager avec le monde n’a jamais cessé ; les labels ont donc toujours un rôle à jouer pour aider à promouvoir ces enregistrements. La différence, aujourd’hui, réside dans le fait que l’écosystème mute et que de nouveaux acteurs endossent ce rôle, en plus de leurs activités habituelles d’éditeurs, de programmateurs ou encore d’artistes professionnels indépendants par exemple.

Et pour finir : créer un label n’est certainement plus l’el dorado qu’on a pu connaître autrefois, mais si vous débutez avec un enregistrement qui vous passionne vraiment, plutôt que de chercher à vous constituer un catalogue commercial, l’aventure est toujours aussi excitante.

 

Promouvoir une musique qui a du sens

Parfois les choses peuvent aller très vite, et dans la course folle du showbiz, on est à l’affut de la moindre tendance et en veille permanente. Mais c’est là que l’on tombe dans le piège, en perdant notre objectif principal de donner toute son importance à la musique et en particulier aux artistes que l’on adore, à la musique qui nous fait vibrer ou nous représente.

L’art compte. La musique compte. Et nous n’avons jamais eu autant besoin des artistes. Si vous lisez le post galvanisant de Jesse von Doom sur le sujet : il est important de mettre en avant les musiques qui portent des messages, que ce soit pour des raisons personnelles ou pour défendre des valeurs morales. Quand on a le privilège d’être celle ou celui qui peut signer des oeuvres incroyables et la chance de travailler avec des artistes qui vous donnent toute leur confiance pour faire émerger leur projet, cela ne fait nul doute.

Il est maintenant temps d’enrichir et d’approfondir notre approche en promouvant la musique en laquelle nous croyons. Bien sûr, la stratégie et la campagne média sont importantes, mais le fait d’y donner du sens élargit nos perspectives vers de potentiels nouveaux partenaires.

Quand la mission première des entités traditionnelles, institutionnelles, est de promouvoir un accès à la culture à tous, certaines chansons peuvent représenter cette ouverture sur un dialogue plus large (il existe en France des Masters spécialisés en Médiation culturelle). Et c’est une opportunité pour ces œuvres de se démarquer et de dépasser la logique consumériste de l’industrie de la musique.

 

Aborder les choses sous un autre angle

L’industrie de la musique, que les nouvelles technologies impactent à tous les niveaux (découverte, promotion d’artistes), évolue particulièrement vite. Et de ce fait, on doit l’aborder différemment. Il est essentiel de passer d’une approche normée, standardisée, à une approche plus sur-mesure, sans perdre de vue le fait que les données (data) sont un outil merveilleux mais tout en gardant à l’esprit qu’elles ne sont pas la finalité.

Il y a aujourd’hui énormément de façons différentes de qualifier et de quantifier les fans de musique. Mais la façon la plus sûre d’apprendre à les connaître est de revenir à ce qu’ils sont, en tant que personne, et d’essayer de répondre à la question : pourquoi les fans ont une relation émotionnelle à cette chanson ou à cet artiste, qu’est-ce qui les fait cliquer ? C’est seulement lorsque nous avons pu répondre à cette question que nous pouvons passer à la suivante : comment je peux parvenir à les atteindre (le reach) de façon durable et authentique ?

J’ai écrit un livre entier dédié à ce sujet où j’explore la façon dont le message et les valeurs d’un artiste peuvent être le point de départ à partir duquel il est possible de relier les causes que soutiennent les fans, les lieux où ils se retrouvent (online ou offline) et la façon dont ils interagissent entre eux.

Alors plutôt que de focaliser sur l’enregistrement comme l’élément incontournable pour un public donné ou un moment précis, c’est un terrain de jeu sans limites qui nous est offert pour promouvoir chaque nouvelle chanson, d’autant plus aujourd’hui lorsque l’on considère le pouvoir de la sérendipité, favorisée à large échelle par les algorithmes.

 

Expérimenter les nouvelles technologies qui bénéficient à tous les acteurs, y compris les artistes

L’industrie de la musique est complexe, particulièrement en ce qui concerne la traçabilité des millions de micro-paiements et la garantie des versements effectifs aux artistes des revenus générés. Lancer un label implique également une réflexion approfondie sur le choix de ses partenaires techniques et administratifs. J’attache une grande importance aux technologies qui permettent d’accroître la transparence à tous les niveaux et de gagner du temps, permettant ainsi à chacun de rester concentré sur ce qui importe le plus : la musique et la création.

C’est pour tout cela que créer un label est une opportunité, à la fois humble et incroyable, de faire changer les choses à son niveau et de commencer à comprendre les changements qui peuvent déjà être faits au quotidien.

J’ai choisi de combiner une solution « immédiate » à une expérience du « long terme » : la première est avec Détails, un outil incroyable, développé par une société et une équipe basées à Berlin, qui simplifie les démarches de management, de booking, de distribution, de comptabilité, etc. En plus, à un prix raisonnable. La seconde solution est le projet Dot Blockchain Music, auquel j’ai souscrit, convaincue de son énorme potentiel numérique. Il est encore tôt mais j’ai hâte d’expérimenter des façons concrètes d’améliorer la manière dont le travail des artistes est rapidement rémunéré.

Enfin, si vous êtes un artiste auto-produit, vous devriez essayer cashmusic.org : un outil open-source pour répondre à vos besoins.

Donc oui, la musique a pris un sacré coup ces deux dernières décennies.

J’avais remarqué.

Mais je monte quand même mon label, pour toutes ces bonnes raisons. Et j’espère que vous aussi !

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